ICCPPC Charte fondatrice

 

AVANT PROPOS

La Commission Interna­tionale des aumôniers géné­raux des prison a ras­sem­blée à Stras­bourg du 12 au 16 septembre 1983 les délé­gués offi­ciels des seize pays pour étu­dier le thème "l'Aumônier de prison, au­jourd'hui en demain".

À l'ouverture du Congrès, le Président a dé­claré: "... nous avons formé l'au­dacieux projet de rédiger une Charte des Au­môniers de Pri­son".

En réfléchissant à partir de la riche expérience pastorale des participants, la Commission présente l'essentiel de la mis­sion de l'aumônier de prison et encourage ainsi ceux qui s'occu­pent de cet aposto­lat à envisa­ger l'avenir avec lucidité et séré­nité.

L'audacieux projet est enfin achevé. C'est avec joie que nous offrons cette Charte, en particu­lier à nos frères-prê­tres et à tous ceux qui partagent avec eux le privilège de servir le Christ en prison.

 

1. FONDEMENT JURIDIQUE


a. La "Déclaration universelle des droits de l'Homme" du 10 dé­cembre 1948.

Article 18 : "Toute personne a droit à la li­berté de pen­sée, de conscience et de reli­gion" ...'

b. Les "Règles minima pour le traite­ment des déte­nus"

article 6:1 : "Il ne doit pas être fait de diffé­rence de traitement basé sur un préjugé, no­tamment de race, de cou­leur, de sexe, de langue, de religion ..."

article 6:2 : "Par contre, il im­porte de respec­ter les croyan­ces religieuses et les pré­ceptes moraux du groupe au­quel il appartient."

article 41:1 : "Si l'établissement con­tient un nombre suffisant de détenus appar­tenant à la même religion, un représen­tant qualifié de cette religion doit être nommé ou agréé. Lorsque le nombre des détenus le justifie et que les circonstan­ces le per­mettent, l'arran­gement devrait être pré­vu à plein temps."

article 41:2 : "Le représentant qualifié nom­mé ou agréé, selon le paragraphe 1, doit être auto­risé à organiser pério­diquement des ser­vice religieux et à faire, chaque fois qu'il est indiqué, des visites pastora­les en parti­cu­lier aux détenus de sa reli­gion."

article 41:3 : "Le droit d'entrer en contact avec un repré­sentant qualifié d'une religion ne doit jamais être refusé à aucun déte­nu. Par contre, si un détenu s'op­pose à la visite d'un re­présen­tant d'une religion, il faut plei­nement respecter son attitu­de."

article 42 : Chaque détenu doit être autori­sé, dans la me­sure du possible, à satis­faire aux exigen­ces de sa vie reli­gieuse, en partici­pant aux services orga­nisés dans l'établisse­ment et en ayant en sa possession les livres d'é­dification et d'instruction reli­gieuse."

 

2. FONDEMENT EVANGELIQUE

Le Christ accueillait tous ceux qui ve­naient à lui, quelle que soit leur situa­tion. Il était "l'ami des publicains et des pécheurs".

L'Eglise s'efforce de servir les hom­mes à la manière de Jésus, attentive à tous, mais plus parti­culièrement aux plus démunis auxquels le Christ s'est identi­fié. C'est en ce sens que l'Eglise a institué une au­mônerie au ser­vice des déte­nus.

 

3. FONDEMENT ECCLESIAL

Du jour où Jésus a promis le paradis au bon larron jusqu'au jour où Jean-Paul II a visité en prison l'homme qui a perpé­tré un attentat contre lui, la pratique tradi­tionnelle de l'Eglise, malgré beau­coup d'omissions dues à la faiblesse humai­ne, a pris au sérieux les mots du Sei­gneur: "J'étais en prison et vous m'avez vi­sité".

Cette tradition a été soutenue par le Magistère de l'Eglise, sourtout récem­ment: la constitu­tion dogmatique de Vatican II "Lumen Gentium", la consti­tu­tion pastorale "Gaudium et Spes", ainsi que les encycliques papales "Redemptor Ho­minis" (1978) et "Dives in Misericordia" (1980), ont souligné l'importance de la mission de l'Eglise auprès des personnes marginali­sées. Elle a rappelé les droits et la dignité humaine ainsi que l'amour infini et la Miséricorde de Dieu envers tous les hommes.

 

4. PASTORALE PENITENTIAIRE

L'aumônerie des prisons s'ef­force de proposer une aide et un soutien aux détenus, en con­tri­buant à leur épa­nou­issement humain et spiri­tuel, un accom­pa­gnement sur la voie de la récon­cilia­tion envers eux-mêmes, envers les autres et envers Dieu.


A. Réconciliation avec soi-mê­me

C'est découvrir et accepter ce que l'on est, ses limites et ses échecs, ses qua­lités et ses pos­sibilités; c'est une prise de con­science de ce que l'on a été et de ce que l'on veut devenir.

Dans ce but l'aumônier s'efforce de rencontrer les détenus et de se laisser rencontrer par eux en établissant avec eux une relation vraie.

Il les écoute avec respect, atten­tion, patience, les acceptant tels qu'ils sont, les aidant à s'expri­mer, à se révéler, à se situer en vérité. Il les aide à trouver un sens à leur vie. Il leur garde con­fiance malgré leur rechute.


B. Réconciliation avec les au­tres

C'est trouver ou retrouver des rela­tions socia­les plus normales à tous les ni­veaux, la capaci­té de vivre des soli­darités avec les autres.

L'aumônier doit briser la soli­tude des détenus en veillant au maintien des liens avec la famil­le, en favorisant les relations avec l'extérieur.

Il s'efforce d'encourager l'en­traide des détenus entre eux, leurs actions col­lectives pour les défavorisés à l'inté­rieur comme à l'extérieur de la prison. Il favorise tout ce qui peut con­tribuer au mieux être des déte­nus en incitant des associations à s'intéresser aux problèmes des prisonniers.

Il cherche à éveiller leur sens de la responsa­bilité vis-à-vis d'eux-mêmes, de leurs camara­des, également vis-à-vis des victimes et leur famille.


C. Réconcilier avec Dieu

C'est découvrir ou redécouvrir l'Amour de Dieu vivant qui nous appelle à une continuelle con­version.

L'aumônier, par toute sa vie, doit être le signe de cet amour de Dieu envers les hommes. Il propose l'Evangile comme bonne Nouvelle de libération pour les hom­mes d'aujourd'hui. Il célèbre l'Eucharistie qui con­stitue l'Eglise en prison et offre les sacre­ments, signes de ré­conciliation de Dieu avec les hommes.


D. L'aumônier des prisons et l'Eglise

Formation:

Il est nécessaire que les prêtres dési­gnés pour ce ministère diffi­cile soient soigneusement choi­sis par l'Evêque. L'aumônerie Générale doit leur assu­rer une formation appro­priée.

L'aumônier de prison ne doit pas tra­vailler seul. Il faut lui recommander de s'adjoindre des laïcs pour l'aider dans sa mission pastorale et envisager avec eux des perspectives d'avenir pour cette aumônerie. C'est toute la Communauté chré­tienne locale qui doit être égale­ment sensibi­lisée pour s'asso­cier à son ministè­re.

Animation:

L'aumônier de Prison est l'ani­mateur de cette communauté, originale mais au­thentique, des baptisés qui vivent de Jésus-Christ et le célè­brent dans la prison.

Il entretient des rapports ami­caux avec tous ceux qui travail­lent dans la prison (fonctionnai­res et bénévoles).

Il veille à créer des liens entre cette commu­nauté chrétienne en prison avec les autres commu­nautés à tous les niveaux de l'Eglise particulière (parois­se, diocèse, etc). Il a un rôle de prophète dans toute l'Eglise en rappellant les chrétiens à leurs devoirs envers les problèmes du système judi­ciaire et pénal.

Avenir:

Nous souhaitons que l'Eglise main­tien­ne des prêtres comme aumôniers de prison, même en ces temps de ménu­rie sacerdo­tale.

L'Eglise montrera ainsi un signe de son atten­tion et de sa priorité aux pauvres.


E. L'aumônier des prisons et la so­ciété

Il doit avoir le souci de sensibili­ser l'opinion publique aux pro­blèmes parti­culiers de pri­sons qui est sourtout un problème de Société.

Le respect pour la dignité hu­maine des déte­nues nous con­duit à recon­naître leur responsa­bilité personnelle.

En même temps, il est demandé à l'au­mô­nier d'attirer l'attention et d'insis­ter sur la responsa­bilité collec­tive de notre société - et plus parti­culièrement des famil­les - qui secrète et favo­rise la délin­quance.

Les aumôniers de prison sont con­vain­cus que la prison n'est pas la seule solution et le meil­leur remède pour le traitement de la délin­quance.

Il faut encourager et favoriser très for­tement la prévention et trouver des mesures alternatives ou des peines de substitution à la prison.

Il est de notre devoir d'attirer l'atten­tion de tous pour réaliser cette tâche.